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Révolutions et révoltes arabes, des prémisses aux lendemains douloureux

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L’actualité éditoriale sur les révoltes arabes est riche, notamment de contributions de chercheurs. Pourtant, porter un regard de chercheurs sur l’événement est risqué car celui-ci va, le plus souvent, trop vite pour être susceptible d’une observation objectivée en temps réel. Rares sont les collègues qui ont pu, comme Amin Allal – véritable polygraphe de la révolution tunisienne-, prendre le pouls de la révolution sur une barricade ou dans un comité de quartier (voir notamment son texte pour Politique Africaine, résumé ici). Et encore ne s’agit-il pas d’une garantie contre l’erreur de perspective, ce qui se passe ici ne ressemblant pas nécessairement à ce qui se passe là-bas.

Dans cette perspective du regard “à chaud”, citons le dossier “Printemps arabes. Comprendre les révolutiosn en marche, sous la direction d’Agnès Deboulet et de Dimitri Nicolaïdis, dans la revue Mouvements (n°66, été 2011, sur Cairn) ainsi que le dossier “En Afrique du Nord, un soulèvement ne fait pas le printemps” sous la direction de Béatrice Hibou (Dossiers du CERI, en ligne) qui entend mettre en avant la dimension socio-économique des revendications par rapport aux débats de nature politique et institutionnelle. Ainsi donc que le dossier Tunisie de Politique africaine, cf. ci dessus.

Autre cas de figure : des publications très avancées ou bouclées avant les révoltes qui se voient “confirmées” ou qui doivent effectuer un petit rétablissement face à la nouvelle actualité. A cet égard, saluons le dossier hors série de Tiers Monde, sous la direction de Sarah Ben Nefissa et Blandine Destremeau, intitulé Protestations sociales, révolutions civiles. Transformations du politique dans la Méditerranée arabe. Ce collectif replace ces bouleversements politiques dans une généalogie de mobilisation : ils ne venaient pas de nulle part et une syntaxte de la politisation de ces revendications s’était construite et affirmée dans les dernières années; par ailleurs, le dossier propose plusieurs articles de réactions à chaud (voir ici, le sommaire et l’introduction).

Autres exemples de la difficulté que les bifurcations du temps court imposent à l’excercice de l’écriture des résultats de recherche, toujours plus ou moins en rupture avec l’actualité, ces deux travaux sur Le Caire et l’Egypte.

Dans Le Caire, réinventer la ville, un ouvrage de la collection Villes en mouvement d’Autrement, Pierre-Arnaud Barthel et Safaa Monqid interrogent, à la veille des événements de janvier-février 2011, une bonne vingtaine de “militants” du développement durable. Celui-ci apparaît alors comme un masque pour des revendications potentiellement fort différentes, entre “utopie réformatrice” au fond assez conservatrice politiquement parlant et “demande pour un changement total”, ici fortement prémonitoire. Cette lecture décalée est suggestive et constitue un témoignage utile d’une parole qui se contorsionne face aux contraintes du politiquement correct. Reste que ces voix “bénévolentes” semblent loin de résumer la polyphonie des revendications post-changement de régime. Agnès Deboulet propose dans le numéro de Mouvements d’entendre la voix beaucoup plus radicale de Manal al-Tibi sur le droit au logement, dans une interview réalisée également en décembre 2010 (voir ici).

Citons également l’ouvrage de Vincent Battesti et François Ireton (coordonnateurs) L’Egypte au présent. Inventaire d’une société avant révolution, une mise à jour comparable par son ampleur à celle publié sur la Syrie il y a quelques années. On pourra lire ce livre comme un bilan de l’ère Moubarak.

Enfin, pour finir en beauté, renvoyons au remarquable “Repères” d’Hamit Bozarlsan sur La sociologie politique du Moyen-Orient. Publié en février 2011 et donc bouclé probablement avant le déclenchement de la révolution tunisienne, il propose une lecture en cycles courts (1979-1990; 1990-2001 et 2001-?) qui impliquait précisément le dénouement d’une période et l’entrée dans une autre. Relisant de manière critique quatre grands paradigmes d’interprétation (la modernité, l’islamité ou lislmaisme, les paradigmes emic de la ‘asabiya et de la dawa, ainsi que la question du tribalisme), l’auteur présente une suggestive typologie des Etats (être politique dont il montre que malgré l’instrumentalisation et l’absence de légitimité, la recherche ne peut en faire l’économie). Bozarslan en arrive ensuite à une remarquable analyse des formes de mobilisations politiques qui donne de véritables outils pour penser ce qui se déroule au Moyen-Orient depuis le début de l’année. Sa lecture de la spatialité des mobilisations (entre quartiers comme espace d’autonomie et de mobilisation et  lieux centraux du débordement et de l’accès à la visibilité), à propos de la révolution iranienne de 1979, se révèle extrêmement heuristique pour lire les mobilisations actuelles. L’auteur revient d’ailleurs dans le numéro précité de la revue Mouvements sur ce qui unit la Tunisie et l’Egypte dans leurs soulèvements (cf. ici sur Cairn).


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